Qu'est-ce que la crise du milieu de vie ?
L’identité sur laquelle nous nous sommes adossés jusqu’alors est fragilisée et vacille sur son axe. Il est difficile alors de nier que nous sommes en route vers une autre étape de notre vie qui nous incite à prendre de la distance avec le monde extérieur, le social, le professionnel et le paraître.
En effet, la première partie de vie est occupée à réaliser nos ambitions socioprofessionnelles, à construire nos relations avec les autres, à assumer nos responsabilités face à nos enfants et à notre famille. Nous avons donc fait beaucoup d’efforts pour nous adapter au monde extérieur et y trouver notre place.
Lorsque l’investissement dans notre identité sociale, familiale ou professionnelle est excessif, il absorbe notre énergie vitale et nous nous coupons de nos besoins personnels. Qui n’a pas déjà entendu quelqu’un dans son entourage ou soi-même exprimer cette fameuse phrase : « je ne sais pas qui je suis ».
Autant il est naturel au cours de notre jeunesse d’être tourné vers l’extérieur pour y faire notre place, autant ce milieu de vie est l’occasion de s’orienter vers notre monde intérieur.
Faire le bilan de sa vie, c’est bien sûr considérer ce qui reste à faire, mais c’est aussi reconnaitre ce que nous avons accompli.
La crise du milieu de vie est comme un moment de rupture, d’une prise de conscience, d’un éveil existentiel. C’est entrer dans un nouveau cycle de maturation et de transformation intérieure.
Quelles sont les questions à se poser ?
Grâce à un travail thérapeutique, nous avons la capacité de répondre de manière pleinement éclairé aux questions suivantes : est-ce que le choix professionnel, le choix de nos diverses activités, le choix de notre mode de vie, le choix de notre partenaire est cohérent avec ce que nous sommes actuellement ? Sommes-nous aujourd’hui le plus souvent tranquilles et sereins ?
C’est souvent d’ailleurs à cette période de vie que nous pouvons ressentir ce qu’on nomme aisément « un grand vide à l’intérieur de nous-mêmes ».
Qui suis-je ?
N’oublions pas que notre situation socioprofessionnelle n’est qu’une forme d’accomplissement de notre personnalité qui est à la fois plus complexe et plus entière.
Une personne peut donc éparpiller son énergie vitale dans des relations dont l’enjeu est avant tout de sauvegarder une image gratifiante d’elle-même.
Nous portons donc un masque, à tel point que nous pouvons rester longtemps, toute une vie parfois, dans l’ignorance de nous-mêmes.
Il faut dire que beaucoup d’entre nous ne se sentent vraiment existés que dans la mesure où ils arrivent à capter le regard des autres. Enfants, déjà, nous avions besoin du regard approbateur de notre mère « Regarde maman ». Adultes, nous continuons à chercher un regard approbateur jusqu’au moment où, plus confiant, nous n’avons plus besoin de nous voir refléter dans le miroir des yeux d’autrui.
La persona est un faux-semblant de nous-mêmes, il s’agit d’un leurre dans la mesure où nous en sommes convaincus et de plus voulons en persuader les autres.
La fonction sociale et donc notre apparence masque notre identité intime.
Il y a un vrai risque de déséquilibre physique et, ou psychique quand le masque disparaît.
Le processus de maturation psychique et physique nous permet à présent de remettre en cause des façons d’être qui nous valorisaient auprès des autres et nous donnaient jusqu’alors le sentiment d’être reconnu.
Sans masque, nous sommes quand même quelqu’un.
Que vient faire la dépression dans cette étape de vie ?
La dépression est souvent perçue comme une maladie presque honteuse à cacher. Elle peut être appréhendée comme une phase naturelle accompagnant une transformation, une mutation qui peut nous conduire à nous connaître plus intimement. Elle peut émerger à certains moments significatifs de notre existence, tels que le milieu de vie.
La dépression serait plutôt le signe d’une réorganisation naturelle indispensable à une nouvelle dynamique de l’ensemble de notre vie psychique ; en découvrir le sens est souvent vital.
Notre résistance à l’évolution naturelle vers l’autonomie de nos enfants par exemple traduit une anxiété devant la nécessité pour nous aussi d’évoluer et de trouver une autre raison de vivre que celle qui passait par la fonction de parents dévoués et fiers de ses enfants. Notre identité est alors mise à rude épreuve.
La dépression se manifeste chaque fois que nous sommes confrontés à des situations nouvelles qui demandent une adaptation liée à l’évolution de notre vie personnelle, familiale, sociale ou professionnelle. Cela arrive toujours à un moment où notre identité est mise en question et où nous perdons certaines illusions et sommes donc profondément déstabilisés quant à nos repères habituels.
La dépression peut être appréhendée comme un chaos potentiellement fertile, un état de transition qui nous invite à réorienter nos objectifs pour devenir soi-même et entier.
A quoi nous sert alors cette crise ?
Il nous incombe, en acceptant de vieillir, d’apprendre à utiliser l’énergie dont nous disposons pour accomplir ce que nous avons à faire aujourd’hui et demain.
A présent, la qualité de la relation l’emporte sur la quantité.
Dans la seconde partie de notre vie, nous ne sommes plus régis par les mêmes lois qu’auparavant. Même si cette période du milieu de vie nous oblige à renoncer à nos illusions et à l’intensité passionnelle qui caractérise la jeunesse, elle peut nous donner accès à une plénitude tranquille qui nous enracine en nous-mêmes.
Le défaut des hommes est de déplorer la mort au lieu d’aimer la vie. De regretter le passé au lieu de penser à l’avenir.
En conséquence, nous sommes face à face avec l’étranger en nous.
Nous sommes ce que nous avons fait ou non de notre vie !